BILLY GIBBONS: The Big Bad Blues (2018)

Ce n’est sans doute pas le disque du siècle mais au minimum celui de la rentrée. Une production comme celle-là, on l’attendait depuis des décennies. Elle relève le niveau du précédent effort en solo de l’ami Billy qui, il faut bien l’avouer, avait déçu tout le monde. On peut faire confiance au titre de l’album car il est surtout question de blues. De blues parfois modernisé mais de blues tout de même. De blues à la Billy Gibbons, quoi. Une excellente initiative ! Dommage que le Top au complet ne soit pas responsable de ce pèlerinage aux confins du Mississippi. Enfin, on ne va pas se plaindre. Les artistes qui entourent Billy connaissent leur boulot et ce petit évènement va certainement secouer un peu le monde de la musique. Le premier morceau « Missin’ yo’ kissin’ » donne le ton général. Un shuffle à la John Lee Hooker aux accents mélangés entre le ZZ Top des débuts et le groupe vedette des années 80. Ce titre a d’ailleurs été composé par la femme de Billy. Juste après, le blues râpeux « My baby she rocks » envoie un solo granuleux à souhait qui étale tout la classe de Billy. Texas oblige, deux titres médiums à la Fabulous Thunderbirds se révèlent très efficaces (« Second time » et « Let the left hand know »). Billy reprend deux chansons de l’immense Muddy Waters. Tout d’abord, « Standing around crying », traité en blues hyper lent et joué bien au fond des temps comme Billy sait si bien le faire. Ensuite, « Rollin’ and tumblin’ » en version jump blues excité avec un solo de tueur (il s’agit sans aucun doute du meilleur titre du disque). « That’s what she said » porte la marque du ZZ Top période « moderne » mais un harmonica sulfureux rétablit la balance. Il faut également signaler « Mo’ slower blues » (un blues lent et envoûtant avec une guitare affûtée) et « Hollywood » (un rock relativement rapide conçu pour prendre du bon temps). Mais le chapitre des reprises n’est pas fini et Billy puise dans le répertoire du grand Bo Diddley. Transformé en blues hypnotique, « Bring it to Jerome » fait mouche avec un harmonica saturé et un solo de gratte mordant. Par contre, on aurait largement pu se passer de la ballade fifties « Crackin’ up » en raison de ses arrangements un peu trop délirants. Mais encore une fois, il ne faut pas se plaindre. Et la guitare de Billy dans tout ça ? Comme toujours, sa sonorité se reconnaît immédiatement et reste fidèle à la définition qu’en avait donné le Révérend quarante six ans plus tôt : « quatre pneus à plats roulant dans la boue ! » Ce « Big bad blues » témoigne du retour en force de Billy Gibbons dans l’univers du blues et rappelle fortement les débuts de son trio d’origine. En l’écoutant, on se demande si l’on n’est pas en train de rêver tant ce disque laisse entrevoir ce qu’aurait pu devenir le Top s’il ne s’était pas perdu dans un labyrinthe musical de mauvais goût depuis « Antenna ». C’est tout simplement super ! Il n’y à plus qu’à déguster ce blues moderne en espérant simplement que notre Billy emmènera ses deux potes dans ce retour aux sources pour le prochain disque de ZZ Top. My head’s in Mississippi !

Olivier Aubry